Georges Dioudj Ndour

Samba eut du plaisir à reprendre contact avec son ami Sébastien . Ensemble ils se racontèrent leurs mésaventures depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Sébastien travaillait maintenant comme vigil dans un centre commercial à Luxembourg et gagnait bien sa vie. Il venait de loin et voulait profiter de la chance que la vie lui offrait. Au fond de lui il avait des remords pour Sofia, son amie Marocaine et se demandait ce qu’il pouvait bien lui arriver. Il savait qu’il ne pouvait rien faire pour elle, reprendre contact avec son amie serait suicidaire pour lui.
Sébastien invita Samba à venir passer quelques semaines au Luxembourg pendant les vacances. Il lui avait assuré de payer son billet et le séjour.
Samba et Myriam continuaient de se voir et de roucouler. Ils profitaient de chaque moment pour faire l’amour. Cela les excitait. Ils se voyaient deux fois dans la semaine chez Samba , loin des regards inquisiteurs. Ils étaient heureux de se retrouver, de partager des moments de plaisir.
- Veux tu venir vivre au Sénégal lui demanda Samba alors que les eux sont couchés dans le lit , le corps nu, recouvert d’un drap blanc ?
- Oh je ne sais pas !
Peut-être répondit Myriam, sourire aux lèvres.
Samba admirait la beauté de sa dulcinée et lui couvrit de baisers.
- Venir avec toi signifierait, abandonner ma famille, le Maroc.
Samba la regarda d’un air coquin et lui toucha le bout du nez.
- On peut dire … répondit-il, sourire aux lèvres.
- Inchaallah ! On verra, ajouta Myriam.

L’année scolaire tirait petit à petit à sa fin. Nous étions au mois d’Avril et les étudiants préparaient leurs examens. Samba et ses amis se réunirent dans un café pour réviser leurs cours.
- Myriam ne vient-elle pas, demanda Pierre ?
Samba garda un moment de silence avant de répondre :
- Non , elle m’a dit qu’elle ne sentait pas bien et préférait réviser chez elle .
Pierre et Thierno se regardèrent d’un air étonné.
Ils continuèrent à réviser jusqu'à ce que Thierno attira leur attention :
- Eh les gars regardez la fille qui est assise juste vers la gauche ! Elle ressemble terriblement à Rougui.
Les deux autres se retournèrent. La jeune fille habillée d’une robe noir qui faisait paraitre ses formes était assise seule et manipulait son téléphone.
- Oui elles se ressemblent vachement. Oh qu’elle est belle, ajouta Pierre !
Samba l’avait reconnue, c’était bien elle, Rougui. Elle avait pris du teint et devenait de plus en plus belle et croquante.
- Samba et si tu allais lui parler , elle est seule, redit Pierre.
- Oui vas-y mec , ne laisse pas passer cette chance, ajouta Thier!
Au fond de lui brulait un feu , il ressentait ce désir de lui parler , de s’excuser , de s’expliquer . Il continuait d’admirer Rougui puis prit son courage à deux mains et se leva. Samba se dirigea vers la jeune fille qui au même moment leva son regard vers Samba. Rougui plantait un sourire angélique dont elle seule avait le secret. Samba sourit à son tour et s’apprêtait à ouvrir la bouche.
- Je m’excuse du retard mon cœur , j’étais pris dans un embouteillage monstre, dit une voix roque qui venait de derrière le jeune homme.
Samba se retourna vers la voix quand arriva un bel homme vêtu d’un blazer bleu clair et d’un pantalon noir sur mesure, lunettes de soleil sous les yeux. Dans sa main gauche il tenait une rose rouge. L’homme dépassa Samba et se dirigea tout droit vers Rougui . Samba se rendit compte que Rougui regardait cet homme. La honte couvrit le corps du jeune Peulh, il avait du mal à bouger et était bloqué sur place comme si la diarrhée l’avait pris en cour de route.
Rougui se leva pour accueillir son hôte. L’homme du type subsaharien n’avait rien d’un Sénégalais. A voir la réaction de Rougui, le colosse lui avait chipé son cœur. Elle lui donna une bise sur la joux droite.
- Pas grave mon cœur, je viens tout juste d’arriver, ajouta la jeune fille d’une voix suave.
Samba se tourna vers ses deux amis qui baissèrent leurs regards. Tel un enfant grondé par ses parents, Samba regagnait sa place à pas lents. Pierre et Thierno faisaient comme si de rien n’était et continuaient à réviser. Samba regarda Rougui qui souriait merveilleusement tout en humant la rose rouge. Samba se rendit compte à partir de cet instant que ‘’Sa Rougui’’ avait tourné la page, qu’elle était conquise par un autre cœur.

C’était le jour des examens du deuxième semestre, le stress gagnait les trois étudiants bien qu’ils avaient bien révisé. Ils avaient hâte d’en finir pour de bons et de prendre enfin leurs vacances.
Comme à leur habitude, comme des inséparables ils se préparèrent à sortir ensemble quand on sonna à la porte. Il était 7h30.
- Qui peut bien sonner à une heure pareille ? J’espère que ce n’est pas le bailleur dit Pierre ?
- Non je ne pense pas, je lui ai déjà envoyé le loyer,
répondit Thierno !
Samba prit son courage à deux mains et ouvrit la porte. En face, une jeune fille en larme grelottait sous ce froid matinal. Elle avait le visage tout défait, la main droite sur le ventre.
- Myriam , s’exclama Samba !!!

Ce jour là, aucun des deux ne partit faire l’examen. Assis chacun d’un côté du lit, le dos tourné, ils méditaient sur leur sort . Samba décida de poser la question qui lui brulait les lèvres, question idiote mais question qu’à même :
- …Et qui est le père ?
Myriam ouvrit grand ses yeux et se tourna vers Samba. Elle prit une paire de chaussure et la balança sur Samba.
- Tu oses me poser cette question, espèce d’ingrat ! Tu me prends pour une pute ! Ah mon Dieu comment est-ce que j ‘ai pu être si bête , oh mon Dieu !
Myriam cria et se tint le ventre.
Samba sursauta du lit et se mit debout, il était dépassé par les évènements et ne trouvait pas les mots. Il fit les cent pas dans la chambre et vint s’assoir prés de Myriam.
- Arrête de pleurer mon cœur, le mal est déjà fait. Nous allons trouver une solution.
Samba tremblait, au point de se ronger les doigts de la main. Myriam se tut un moment, sécha ses larmes et se mit debout devant, la face tournée vers la véranda.
- De toute façon j’ai déjà trouvé une solution. Je ne vais pas le garder !
Samba se mit debout à son tour et vint en face de Myriam.
- Comment ? Comment oses-tu dire une chose pareille ! Tu es folle ?
- Tu m’as bien entendu, je ne peux pas garder ce bébé. Mes parents me tueraient s’ils apprenaient la nouvelle.

Samba se tint les cheveux et se cogna la tête contre le mur :
- Ce n’est pas vrai, tu es entrain de me rendre fou.
- Ah oui et moi qui supporte ce poids depuis deux jours. Je ne parviens plus à dormir et je pleure comme une désœuvrée. Comment peux-tu être si égoïste !
- Je n’y pouvais rien puis que tu ne voulais pas prendre mes appels ! Tu ne venais plus réviser avec nous, ni à la fac !
- Je ne voulais plus supporter ta face, je ne voulais plus te voir . Je te hais Samba , je te hais !
- Alors va t’en et ne reviens plus ! Je te déteste aussi ! Va-t’en !!!

Myriam regarda Samba dans les yeux et sortit de la chambre en pleurant. On entendit le vacarme de la porte de l’appartement qui se ferma. A peine sortie de l’appartement Myriam s’affaissa à l’entrée et continuait de pleurer, la main sur le ventre.
Samba ne pouvait contenir ses larmes. Pour la première fois de sa vie il se souvint d’avoir mal parler à une femme. Rarement il avait manifesté autant de violence. Il se vampirisait et se reconnaissait plus ! Il sécha ses larmes et se tourna vers la porte de sa chambre.
- Myriam !!!
Il courut vite vers la porte d’entrée, l’ouvrit et vit son bien aimée couchée sur le sol telle une déficiente mentale. Samba se courba vers son bien aimée.
- Myriam , mon cœur, excuse-moi. Je m’en veux tellement si tu savais.
Ils se tinrent les bras et se donnèrent un câlin.
- Oh Samba , comment est-ce qu’on va faire ? J’ai si peur si tu savais !
- Ca va aller mon cœur , ca va aller , je suis là !

Myriam resta chez Samba pendant de nombreux jours. Ils n’allèrent pas faire l’examen du second semestre, préférant être l’un à côté de l’autre.
- Mec es-tu conscient de ce que tu es en train de faire ? Tu es en train d’hypothéquer ton avenir Samba ! Ressaisis-toi et viens faire l’examen ! Le mal est fait, lui dit Pierre un soir dans le salon !
- Ah oui, et elle, tu veux que je la laisse ici, je te rappelle qu’on est dans la même situation Pierre !
- Shut parlez doucement les gars , elle pourrais nous entendre
, ajouta Thier. Moi je pense que Samba à raison. Ils sont tous les deux dans le même bateau. Et pour le bébé vous avez trouvé une solution ?
- Jusque là non. Elle ne veut pas le garder mais au fond je sais qu’elle ment, elle a juste peur de la réaction de ses parents répondit Samba ? - Ils sont au courant
, demanda Pierre !
- Bien sûr que non, retorqua Samba !
Un silence se fit entendre dans le salon puis Thierno ajouta :
- Mec tu as notre soutien, tout ira bien , on trouvera une solution. - Merci les gars ! Bon je vous laisse, demain je dois l’accompagner à l’hôpital pour voir le médecin, à demain les gars et bonne chance pour l’examen de demain !

Pierre et Thierno ne cachèrent pas leur étonnement, ils savaient que leur ami était au fond du trou.

Deux mois passèrent, Samba n’était plus le même, rongé était-il par les nombreux frais médicaux de Myriam .Ils étaient résolus à garder le bébé malgré tout. Samba dépensa tout l’argent de sa bourse , n’eut été l’aide de ses deux collègues et de Sébastien qu’il sollicitait dés fois , la facture allait être beaucoup plus salée. Pierre et Thierno avait profité des vacances pour rentrer au Pays laissant Samba et Myriam seuls dans l’appartement.
Les parents de Myriam s’inquiétaient pour leur fille et n’avaient plus reçu de nouvelles depuis des mois. Ils décidèrent de débarquer à Marrakech pour voir leur fille. Ils apprirent de la bouche des amis de Myriam que leur fille vivait avec un homme, de surcroit un subsaharien. Irrités, ils se rendirent dans l’appartement de Samba. Le papa de Myriam n’était pas un homme facile, il ne pouvait supporter que sa fille vive avec un subsaharien mais sa surprise fut grande quand il vit sa fille.
- Myriam , on sonne à la porte , veux tu ouvrir s’il te plait je suis sous la douche.
- D’accord mon cœur !
Myriam ne pouvait imaginer sa surprise quand elle se retrouva nez à nez avec ses parents !
- Papa !!! Maman !!! Son père , le visage renfrogné défila son regard vers sa fille qui , honteuse se tint le ventre.
- Papa, Maman mais qu’est ce que vous faites là ?
La mére de Myriam ne put contenir ses larmes , elle laissa paraitre sa désolation :
- Comment as-tu pu nous faire ça ma fille !!! Samba sortit de la douche , le torse nu.
- C’est qui mon cœur ? Il ne pouvait imaginer sa surprise quand il se retrouva nez à nez avec les parents de Myriam . Dés qu’il vit le jeune négre , le pater cola une gifle bien ramenée à sa fille .
- Espéce de pute , tu as déshonorée toute la famille , comment peux tu te mettre avec ce …
- Négro, n’est ce pas. Je suis navré de faire votre connaissance en de pareilles situations Monsieur mais sachez que je prendrai toute mes responsabilités par rapport à l’enfant. J’aime votre fille et je veux vivre avec elle.

La mére de Myriam lança un cri amer comme si elle voulait vomir les mots de Samba, pendant que son Pére s’approcha de l’entrée pour en découdre avec Samba. Myriam le stoppa net et bloqua l’entrée.
- Je vous interdit d’entrer. Je suis assez grande pour savoir ce que je veux . Ma décision est prise , même si ca doit vous choquer. J’ai décidé de rester avec Samba car je l’aime et j’attend un enfant de lui.
La mère de Myriam n’en pouvait plus, elle tomba subitement dans les pommes. Samba n’en revenait pas. Myriam avait tenu tête à ses parents pour la première fois . Elle qui avait si peur de son Pére découvrait ainsi sa propre métamorphose, elle n’était plus la même.
Samba n’en revenait pas, sa copine lui manifestait son amour de la plus belle des manières, devant ses propres parents. Il n’en croyait pas ses yeux et réalisa qu’il avait fait le bon choix de rester avec Myriam alors que tout les opposait.

Les parents de Myriam étaient repartis comme ils étaient venus : bredouille. Non sans clamer leur amertume. Ils réalisèrent à partir de cet instant qu’ils avaient perdu leur fille. Myriam voulait voler de ses propres ailes et sortir de cette torpeur imposée par sa famille et sa société. Pour la première fois de sa vie elle se sentait s’appartenir, libre, en vie. Mais elles savaient aussi que son père ne lâcherait pas prise. Qu’il userait de ses contacts pour revenir à Marrakech et la contraindre de rentrer, de gré ou de force.
- Mon Pére n’en a pas fini Samba, il va revenir et ce sera pas une partie de plaisir. Je le connais.
- Mais non, ne t’en fait pas , après ce que tu lui as dis ce matin, il nous laissera en paix.
- Non Samba , je connais mon Pére il n’est pas du genre à lâcher prise.

Samba fixa sa dulcinée un moment, se tint le menton et lança :
- J’ai une idée !

Le soleil tapait fort dans ce lieu aride, la poussière enveloppait le visage des passagers, entassés à l’arrière d’un Toyota. On entendait que le bruit du moteur et les sifflets d’un vent infernal et violent. On reconnut Samba, tel un fœtus en formation qui, de son corps frêle enveloppait Myriam parmi un troupeau de passagers Subsahariens. La voiture quittait les frontières de la Mauritanie et rentrait au Sénégal par la partie Nord. Plus la voiture avançait, plus le visage de Samba se relâchait. Que pensera sa mére à la vue de sa future belle fille ? Aura-t-elle honte de son fils ? Qu’en penseront ses frères et sœurs, le voisinage ?
Mais Samba était sûr d’une chose : malgré ses bêtises et mésaventures dans le royaume chérifien, une main visible ou invisible ne cessait de veiller sur lui. Qu’elle s’appelle Sébastien, Pierre , Thierno… il en était sûr : elle continuerait de veiller sur lui et sa petite famille. Il sait que grâce à cette main il lèvera toujours la tête haute et continuerai à gravir la montagne aussi haute soit-elle.

« Déplacer les montagnes, c’est regarder chaque évènement désagréable de sa vie comme un défi personnel plutôt que comme une défaite assurée. » Guy Cabana

FIN