Georges Dioudj Ndour

Samba accepta de sortir avec Rougui. Pendant plusieurs jours, durant les vacances interscolaires ils se voyaient. Ils partaient faire des promenades dans les rues de Marrakech, sous le regard inquisiteur des marocains bien sûr.

Parlons de regard. Les marocains sont de très bons épieurs. Ils sont certifiés en la matière. La beauté des subsahariens les submerge au point où ils peuvent regarder une jeune fille jusqu’à se tordre le cou. Dans le jargon cinématographique on dira qu’ils font beaucoup de plan séquence ou de panoramique, tellement ils ont la manie d’accompagner du regard leur cible. Samba profitait de ses instants avec Rougui, il la rassurait et se rassurait en même temps. Si la jeune fille apprenait que son homme en aimait une autre, de surcroit une Marocaine, elle le lyncherait en pleine rue. Mais Samba ne pouvait s’empêcher de penser à Myriam. De retour chez lui, son premier réflexe était d’appeler Myriam. La jeune fille était partie dans le sud chez ses parents pour les vacances.

Voilà des mois qu’il n’avait plus de nouvelle de Sébastien. Le migrant lui manquait, il se souvint du dernier coup de fil qu’il avait eu avec lui et son attitude bizarre. Samba tentait de le joindre sur son numéro mais ça ne passait pas. Il priait pour son bienfaiteur, celui dont il n’oublierait jamais le geste en sa faveur.

Myriam revint sur Marrakech, c’était la reprise des cours. Samba retrouvait l’élu de son cœur. La jeune fille continuait à venir chez eux pour réviser ou passer du temps. Un Samedi soir, Samba ‘’chassa ‘’ses colocataires hors de l’appartement et invita la jeune berbère à diner. Il avait prévu de cuisiner du Yassa au poulet. Depuis quelques temps il avait pris le soin de cuisiner pour lui au lieu d’aller manger dehors.
- C’est le comble, tu nous chasses de notre propre appartement ! Heureusement que je dois sortir avec Jacqueline sinon je ne bougerais d’un iota, s’exclama Pierre d’un ton moqueur !
- Moi je vais aller chez les Saliou et laisser monsieur avec sa petite Naar 2 ajouta Thierno.
Samba sourit et leur dit :
- Les gars je vous promet un diner au Macdonald si tout marche bien. Priez pour moi !
Pierre et Thierno éclatèrent de rire.
- T’inquiète bro, Myriam est tombé sous ton charme, ça saute aux yeux ! N’est-ce pas Thier ?
- En tout cas ne commet pas de bêtise, si tu la mets enceinte tu iras directement en prison. Prends tes précautions
, lui dit Thier, l’air sérieux !
- Ah il n’est pas bête à ce point. Laisse-le s’amuser un peu. Il t’a damé le pion, toi le petit trouillard, lança Pierre.
Les deux sortirent et laissèrent Samba seul dans l’appartement.

Une heure plus tard on sonna à la porte. A l’entrée, Myriam, vêtue d’un pantalon noir et d’un haut en couleur se pointa. Samba ouvrit et fit face à la jeune berbère.
- Bonsoir ! Dit-il
- Salut ! Répondit Myriam.
Myriam franchit l’entrée et partit s’assoir au salon comme à son habitude.
- Alors où sont tes amis?, demanda-t-elle.
- Oh ils sont partis à une fête entre étudiants Sénégalais.
- Ah bon ? Et pourquoi tu n’es pas parti ?
- Oh je n’avais pas envie.
Samba venait de lui donner une idée bidon. Il fallait inventer quelque chose bien sûr mais le jeune peulh ne savait pas mentir.
- Oh, on passe au diner, demanda Samba ?
- Ah tu as préparé à diner ! C’est quoi le menu ?
- Surprise dit-il avec plein de malice !

Samba voulait offrir un bon moment à Myriam. Il servit le diner, le fameux Yassa au poulet. La jeune fille aima le menue qu’elle venait de découvrir. Ce qui donnait du baume au cœur à Samba. Après le dessert Samba ouvrit une discussion avec Myriam à propos du reste de l’année scolaire, de ses rêves et de son idéal de vie. La jeune fille aussi à son tour y allait de plus belle.
- Oui je suis tombée amoureux plusieurs fois et on m’a aussi brisé le cœur plusieurs fois. C’est la vie, ajouta-t-elle.
- Moi aussi ! J’avoue que je n’ai pas de chance en Amour. Je préfère rester seul dans mon coin jusqu’à ce que je trouve la perle rare.
Myriam éclata un fou rire.
- Ah bon ? Et tu l’as trouvé, demanda-t-elle ?
- Non, je cherche toujours !
Ils éclatèrent tous de rire. Samba fixa la jeune fille et lui demanda droit dans les yeux :
- Et toi ?
- Moi quoi ?
- L’as-tu trouvé ?

Myriam rougit, elle était gênée par la question. Elle baissa le regard. Samba lui prit le menton par la main droite tandis que l’autre main tenait celle de Myriam. Myriam hésita un moment, elle voulut lui dire d’enlever sa main, mais elle remarqua que le toucher du jeune peulh lui avait fait un bien fou. Elle frémit quand leurs yeux se rencontrèrent. Samba se rapprocha de plus près de la berbère. D’un geste lent, il l’embrassa sur la bouche. Myriam ne résista pas, elle ferma les yeux et ouvrit sa belle bouche. Ils s’embrassèrent pendant un long moment. Le jeune homme essaya de lui caresser les seins quand celle-ci la retint.
- Non ! On arrête s’il te plait.
Elle se leva subitement et partit s’isoler dans un coin du salon. Samba le rejoignit.
- Je m’excuse, c’est moi dit-il.
La jeune fille se tourna vers lui, le regarda un moment, partit prendre son sac à main posé sur le sofa et lui dit :
- Bon je dois partir, il se fait tard !
Samba s’approcha de plus près, les yeux fixés sur elle. Il lui prit la main et l’embrassa de nouveau sur la bouche. Myriam savourait ce moment, sa respiration augmentait. Elle savourait cet instant. Puis elle s’échappa de nouveau et courut vers la porte. Elle l’ouvrit et sortit de l’appartement. Samba resta bouche bée, le regard fixe sur la porte.

Des jours passèrent sans nouvelle de Myriam. La jeune fille avait pris la décision de s’éloigner de Samba. Elle ne venait plus réviser avec eux. Elle ne les fréquentait plus à la fac. Mais Samba voyait dans ses yeux un désir amoureux. Elle ne voulait pas parler d’amour avec le jeune homme. Samba souffrit de chagrin d’amour. Il ne comprenait plus la réaction de celle qu’elle aimait, celle dont son cœur avait choisi. Heureusement pour lui Rougui était là, mais Samba ne ressentait rien pour Rougui malgré le plaisir qu’elle lui donnait. Rougui flairait le coup et elle décida de s’en ouvrir à son petit copain.
- Depuis quelques temps je constate que ton esprit est ailleurs quand je discute avec toi. Tu as des soucis ?
- Non, il n’y a rien
, dit-il.
Samba était de moins en moins expressif avec la jeune Sénégalaise, celle-ci ne lui cacha pas son amertume.
- Bon quand tu décideras de me parler, tu connais mon numéro, lui lança t’elle pendant qu’ils étaient au téléphone un soir. Elle lui raccrocha au nez.
Pendant des jours le jeune homme s’isola, il parlait plus avec personne. Pierre et Thierno essayèrent de lui remonter le moral.
- Oublie cette Marocaine bro, elle va te briser le cœur, lui dit Thierno !
- En plus tu as Rougui bro , la fille avec qui tous les étudiants Sénégalais rêvent de sortir! Ressaisis-toi frère, lui lança Pierre.
Samba ne voulut rien entendre et se cantonnait dans son mutisme.

Voilà trois semaines qu’ils n’avaient plus de nouvelle de son Père. Son père avait l’habitude de l’appeler les Dimanches pour prendre de ses nouvelles. Samba, assis dans sa chambre eut un mauvais pressentiment et décida de l’appeler mais l’appel ne passait pas. Il décida d’appeler son oncle Seydou mais celui-ci ne prenait pas. Le lendemain, il décida d’appeler son cousin Tidiane.
- Allo Tidiane, c’est moi Samba.
Tidiane hésita un moment, on entendait la voix de la maman de Samba dans le téléphone qui chuchotait à Tidiane:
- C’est Samba ? Ne lui dit rien !
- Allo, c’est maman qui parle ? Tu es à Podor
? demanda Samba.
Tidiane ne savait plus quoi répondre. Il voulut ouvrir sa bouche mais sa voix tremblait. Seydou vint et lui chipa le téléphone.
- Donne-moi ce foutu de téléphone, il faut que quelqu’un se décide de dire la vérité à ce jeune homme. Allo Samba, c’est ton oncle Seydou.
On entendait la mère de Samba prier Seydou de ne pas lui dire « Ne lui dit pas Seydou, il va devenir fou ! Il ne pourra pas supporter ! ».
Samba entendait les pleurs de sa maman au bout du fil, il commençait à trembler.
- Mon fils, je suis navré de te le dire mais ton père nous a quitté depuis quelques semaines. Il a subi un terrible accident sur la route de Saint-Louis. Tu dois rester fort…
Samba laissa tomber son téléphone et s’écroula par terre, il senti son cœur battre en un rythme infernal, tout son corps tremblait. Il eut une sueur froide. Il venait de perdre son ami, son compagnon : Son père était parti à jamais !

(à suivre…)

Légende

  1. Plat sénégalais
  2. Marocaine