Lamine NDIAYE

Le secrétaire exécutif national de la CESAM nous livre un entretien riche sur son parcours, ses réalisations et ses espoirs.

Présentation:


Je m’appelle Lamine NDIAYE. Je suis de nationalité sénégalaise. Je fais la physique à la faculté des Sciences de Rabat. Le Master est intitulé Physiques, Matières et Rayonnement. Je suis arrivé au Maroc le 2 Janvier 2015, en provenance de l’Egypte. L’année suivante, c’est-à-dire en 2016, au renouvellement du bureau de l’UGESM, j’ai occupé le poste de chargé académique et social pour la première année.

Quel est votre poste anciennement occupé au sein de l’UGESM ?

Je me suis engagé à être le chargé académique et social au sein de l’UGESM (Union générale des Etudiants et Stagiaires sénégalais au Maroc), de 2015 à 2017. Puis, j’ai été élu Président et Secrétaire Général national de l’UGESM. L’année suivante, j’ai été réélu.
La même année, j’ai intégré la CESAM en tant que le vice-président du Conseil confédéral. Comme vous le savez, le Conseil confédéral, c’est l’organe qui gère les statuts. Il prend en charge aussi les élections de l’entité centrale située à Rabat ainsi qu’au sein des sections.

Comment êtes-vous devenu secrétaire exécutif national ?

J’ai assuré l’intérim quand le président de l’époque était en voyage dans son pays pour une durée de 6 mois. Durant cette période, j’ai même présidé des élections. Par exemple, celle du bureau de Meknès. Pour certains bureaux, j’ai délégué à un autre car je n’avais pas maîtrisé la situation. Cette année aussi, je suis le Secrétaire exécutif national. Auparavant, on parlait de secrétaire général. Au moins, nous avons adopté un nouveau statut. Depuis juin 2019, deux postes ont été ajoutés : celui du chargé des affaires scientifiques et sociales et celui de la commission féminine. Avec le nouveau statut, on ne parle plus de secrétaire général mais plutôt de secrétaire exécutif national. On ne parle plus de la CESAM centrale, on parle de Bureau Exécutif National. Donc, Rabat, c’est le bureau exécutif national ; c’est-à-dire celui qui englobe toutes les sections de manière générale.

Parlez-nous de vos débuts après le BAC

Après le bac, j’ai fait une année à l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop de Dakar). J’ai préféré rester au Sénégal. Mais les problèmes ne manquaient pas à l’UCAD. J’ai vu que l’Egypte offrait des bourses d’études. Alors j’ai sauté sur l’occasion. Nous étions une promotion de sept étudiants en Egypte. Là aussi, il y avait des perturbations à cause de l’instabilité politique. Face à cette situation, nous avons été transférés au Maroc en 2015 où nous avons eu des problèmes de logement pendant une semaine car le directeur de la Cité internationale n’avait pas été informé de notre arrivée. De plus, le quota de récipiendaires était atteint. Nous avons été finalement hébergés clandestinement par Modou Faye, président de la CESAM de l’époque, le temps d’être accepté à la Cité. Modou Faye, Yoro Kébé et Kéba essayaient de nous aider en s’adressant à la Direction de l’AMCI et sollicitaient en même temps les autres cités universitaires. Finalement c’est au bout d’une semaine que le directeur a accepté de nous accueillir. Pourtant avant de quitter l’Egypte, on nous avait assuré que l’Ambassade du Sénégal au Maroc avait été prévenue de notre départ et que nous n’aurions aucun problème au Maroc.

Parlez-nous de votre arrivée au Maroc après votre départ d’Egypte

En Egypte, j’ai vu un amical des étudiants très respecté et qui pouvait régler les problèmes des étudiants facilement au sein de l’université AL AZAR. Quand je suis venu au Maroc, j’ai constaté qu’il y avait beaucoup de problèmes à résoudre. Par exemple, auparavant les étudiants qui étaient hors de Rabat faisaient le déplacement jusqu’au siège de l’AMCI pour régler un problème et souvent cela ne se faisait pas le même jour. Or, ils peinaient à trouver un logement jusqu’au lendemain. Souvent, on m’appelait pour intervenir sachant que j’avais des relations avec certains gardiens car l’accès à la Cité universitaire est très difficile pour les non-résidents. Ce n’était pas ma responsabilité, mais le chargé académique Momar Ndongo faisait du journalisme et n’avait pas souvent le temps. C’est pourquoi j’ai voulu l’épauler.

Quels sont les problèmes que vous avez remarqué au début ?

Aussi, je me disais que l’AMCI pouvait faire mieux pour que les étudiants puissent accéder à leurs documents facilement. Car l’UGESM, étant une association reconnue par la Préfecture et ayant pour rôle d’assister les étudiants, le chargé académique devait avoir la possibilité de récupérer certains papiers administratifs sans procuration. En effet, lorsqu’un étudiant établi hors de Rabat voulait recevoir son attestation de bourse, il fallait envoyer une procuration par fax, avant que le chargé académique de Rabat ne se déplace pour la récupérer. Ensuite il se présentait à l’AMCI avec son passeport et la procuration afin de recevoir l’attestation de bourse pour enfin la faxer à nouveau à l’étudiant concerné. C’était aussi la même chose pour les codes d’étudiants. Ainsi l’année suivante j’avais postulé pour le poste de chargé académique et social de l’UGESM pour mieux être en contact direct avec les étudiants. J’avais été désigné d’office pour ce poste car Il n’y avait pas d’autres prétendants à ce poste car ce n’est pas un poste facile : les étudiants appellent de partout pour des problèmes à régler à l’AMCI.

Votre rôle à ce moment-là ?

J’avais demandé à Mourtalla Sèye de faire en sorte qu’on puisse avoir un récépissé qu’on joint au PV et une lettre de recommandation pour formaliser l’association. Ainsi j’ai pris l’initiative de rencontrer la direction de l’AMCI. Ça a pris du temps car au début, on me demandait de continuer avec l’ancienne procédure jusqu’à ce que je rencontre M. Serghini, le responsable du Sénégal au niveau de l’AMCI. Je lui ai expliqué mes intentions et il a salué l’initiative. C’est pourquoi il en avait fait part à sa supérieure qui avait jugé que c’était raisonnable, non sans me mettre en garde contre une éventuelle perte d’attestation de bourse car ce document n’est délivré qu’une seule fois. En effet, en cas de perte, il faut se faire une attestation de perte au niveau de la police pour avoir le duplicata.
Par la suite, la dame a donné à son personnel l’instruction de me donner tous les documents qui concernent les étudiants sénégalais ; et depuis ce jour mon nom a été enregistré au niveau de leur système. Ensuite j’avais demandé à l’UGESM de faire une publication concernant l’allègement de la procédure : plus de déplacement sur Rabat et plus de procuration. Ce qui était merveilleux dans tout cela est que quand un étudiant m’appelait pour me demander les papiers qu’il doit me fournir, je lui répondais « seulement ton matricule ». Ce fut une grande innovation et c’est ce qui m’a rendu célèbre au sein des étudiants alors que je n’étais qu’un chargé académique. A la fin de l’année, tous les étudiants avaient mon numéro. Le plus marquant dans tout cela est qu'au même moment, des SG ou présidents d'autres communautés peinaient encore avec l'ancienne procédure. J'ai finalement pris l'initiative de partager ma méthode avec eux.

Quelles étaient les solutions de l’époque pour les études ?

Pour les études aussi, on n’avait pas eu de problèmes sincèrement. Comme vous le savez, au Maroc, quand on a une autorisation d’inscription de l’AMCI, il n’y a pas de problème. Comme c’est le système français chez nous, on peut s’adapter rapidement. Quand on est scientifique, dans les labos, la majorité des professeurs ne comprennent pas français. Ce n’est pas parce qu’ils sont racistes ou qu’ils ne veulent pas parler cette langue mais plutôt parce qu’ils ne la maîtrisent pas. J’avais ce problème au niveau des laboratoires et ailleurs. Pour les TP qu’on faisait, si le prof titulaire n’était pas là, il n’y avait que les moniteurs, et c’était un peu compliqué parce qu’ils ne pouvaient pas expliquer clairement en français. Mais à part cela, nous n’avions pas de souci à la fac. Si on avait besoin de quelque chose, on allait voir le vice-doyen ou le chef de scolarité.

Quels conseils pouvez-vous donner aux nouveaux étudiants ?

Le conseil que je peux donner : Comme j’ai l’habitude de le dire aux étudiants, les Sénégalais n’ont pas beaucoup de problèmes au Maroc. Hormis le droit de vote, on a pratiquement tout ce qu’on veut dans le royaume. Nous sommes presque considérés comme des Marocains. Quand on ne vient que pour les études au Maroc, on n’a pas le temps pour autre chose. Nous avons tous des cours de 8h à 12h et de 14h à 18h. Donc, une personne qui a un tel planning pour toute la semaine n’aura pas de temps à perdre du tout. Par ailleurs, au Maroc c’est la belle vie. Moi, j’avais des amis qui se sont détournés de leurs ambitions. On a des amis qui ont fait la belle vie et on ne sait plus ce qu’ils sont devenus par la suite. Beaucoup sont rentrés sans diplôme. D’autres, on ne comprend plus ce qu’ils font. Si vous voulez vraiment étudier, vous allez étudier. Le temps passe très vite pour nous. C’est pourquoi mieux vaut se concentrer sur les études et très vite on sort avec son diplôme. Actuellement, certains travaillent ici. D’autres sont partis poursuivre leurs études à l’étranger (France, Europe, USA). D’autres encore ont préféré rentrer au Sénégal pour travailler. Si vous êtes là en tant qu’étudiant boursier, votre seul objectif doit être d’étudier. Les études au Maroc ne sont ni durs ni longs car le temps passe très vite.

De la solidarité entre les étudiants sénégalais ?

Je parle en tant que secrétaire national des étrangers mais aussi en tant que citoyen sénégalais. Nous devons cultiver l’hospitalité car le Sénégal est surnommé pays de la Teranga. Dans beaucoup de villes, ce sont les anciens qui partagent leurs appartements, leurs chambres, leurs lits avec les nouveaux étudiants en attendant qu’ils trouvent un logement. Au début, il y a des étudiants qui n’ont pas les moyens et d’autres les aident en attendant qu’ils trouvent les moyens de subvenir à leurs besoins. Nous avons ce devoir en tant que Sénégalais.
J’ai servi le Sénégal pendant 4 ans bénévolement. C’est la bourse qui constitue ma source de revenus. Quand un étudiant avait besoin de documents pour résoudre certains problèmes à l’ambassade ou ailleurs, je payais de ma propre poche pour l’aider. Ça, nous le faisions simplement parce que nous voulions aider. C’est un geste qui ne coûte rien du tout et il y a beaucoup qui le font dans le royaume. Je suis convaincu que quand on fait ces bonnes actions pour son prochain, on ne va pas le regretter et c’est l’essentiel.

Ce que doit faire la CESAM pour les étudiants ?

Pour moi, la CESAM doit être à l’écoute des étudiants pour mieux les servir. Désormais, si un étudiant a un problème qui ne peut pas être réglé par l’association de sa communauté, il nous contacte directement. Beaucoup d’étudiants me contactent dans certaines situations délicates. Beaucoup de problèmes ont été réglés. En guise d’exemple, on peut évoquer la question des autorisations d’inscription et de suivi de la procédure au sein du ministère. Actuellement, la CESAM va au-delà des activités sportives et culturelles. Car un étudiant qui a des problèmes ne peut se divertir.

Les défis urgents à régler ?

Je suis conscient que le Maroc fait beaucoup pour nous. Le Royaume reçoit chaque année 3.000 étudiants et nous sommes actuellement plus de 14.000 étudiants boursiers. Mais il y a un problème qui, à mon avis mérite d’être traité dans les plus brefs délais : celui du logement pour les étudiants surtout ceux de la première année dans toutes les villes du Maroc, en priorité les filles. Celles-ci sont souvent victimes de chantage, voire de harcèlements de la part de leurs bailleurs.
Il y a beaucoup de communautés qui sont là et qui n’ont pas de bourses venant de leur pays. Elles n’ont que la bourse de l’AMCI qui est de 1500 dirhams par bimestre. Pour les étudiants qui n’ont pas de bourse venant de leur pays d’origine et qui n’ont pas l’appui de leurs parents, c’est très compliqué. Je ne veux pas m’avancer sur ce point parce qu’on en avait parlé avec l’ambassadeur. Il nous avait proposé une rencontre qui devrait le réunir avec la CESAM et l’AMCI. Cette rencontre va se tenir entre le Bureau national exécutif de la CESAM, le conseil confédéral, les sections régionales, les communautés (c’est-à-dire l’assemblée générale de Rabat). Nous allons rencontrer l’ambassadeur pour vraiment discuter des problèmes urgents et voir les solutions qui peuvent y être apportées. C’est pourquoi je n’aimerais pas trop m’avancer sur ça. C’est déjà en cours. Certainement l’année prochaine, on en aura l’occasion. On voulait le faire avant juin. Mais malheureusement avec cette pandémie, tout est au ralenti. Une fois les activités reprises, nous allons nous pencher de nouveau sur cette rencontre si Dieu le veut.
Cette année-ci, j’ai assisté à de grands événements comme le sommet de l’étudiant africain qui a été organisé au sein de la Cité internationale au mois de décembre.

Quelle carrière diplômante ?

Beaucoup pensent que je fais de la diplomatie. Ils ne savent pas que je suis dans une filière scientifique. Un de mes grands-pères disait que les meilleurs diplomates ne sont pas diplomates de carrière. La diplomatie est un don. On est dans un monde où la confiance se fait rare. Si on a la chance d’inspirer confiance, c’est une bénédiction. Après mes études, j’envisage de me lancer dans la diplomatie pour l’expérience que j’ai tirée de la CESAM.

La CESAM/ autorités marquantes que vous avez rencontrées ? Avez-vous déjà rencontré sa Majesté?

Cette année, avec la CESAM et l’AMCI, nous avons pris part au sommet des étudiants africains de la Cité internationale. C’était l’occasion pour moi de m’adresser officiellement en tant que secrétaire de la CESAM aux ministres des affaires étrangères et aux ambassadeurs présents. Notre solidarité à la CESAM était mise en avant. Mais je n’ai pas encore eu l’occasion de rencontrer le Roi. C’est un rêve pour moi. Par contre, j’ai rencontré le ministre des affaires étrangères du Maroc et des ministres du Sénégal. Toutes ces rencontres comptent pour moi. Par ailleurs, ce que j’aime chez les Marocains c’est leur amour pour le pays. Les drapeaux qui pavoisent les rues le montrent. Ils ne vandalisent pas. Ils sont ordonnés.

Hommage à Lamine NDIAYE par les étudiants